Redonner un statut social à des femmes et des hommes en leur donnant du travail tout en valorisant les déchets et offrir une seconde vie à des objets représente une boucle plus que vertueuse. C’est la mission des Astelles qui existent depuis presque 25 ans à Amiens et Montdidier.
Si Sophie Triquet est devenue directrice générale des Astelles en février 2020 après avoir exercé pendant 21 ans en tant que manager à la Poste, ce n’est certainement pas un hasard. Elle croit en l’humain et qu’au cœur de chaque personne, il y a quelque chose d’intéressant à trouver. Elle croit également que chacun doit pouvoir avoir sa chance et qu’il est nécessaire parfois de la donner une seconde fois.
Cette chance, aux Astelles en tout cas, passe par la possibilité d’être accompagné pour retrouver un emploi durable ou de passer un diplôme. En tout, ils sont 25 autour de Sophie Triquet à accompagner 226 personnes par an. Ces personnes restent deux ans au maximum. Sur 100 sorties, 60 sont dites « dynamiques ». C’est-à- dire que 30% de l’effectif, sortent de l’entreprise avec un emploi durable en CDI. Et 30% sortent avec une formation qualifiante. « C’est un secteur d’activité où nous travaillons avec un public très fragile. L’an dernier, 28% de nos salariés sont arrivés alors qu’ils n’avaient pas de logement fixe. Ils ne peuvent pas garder un travail ou passer un diplôme si les bases ne sont pas assurées. Nous les accompagnons sur ça aussi, explique Sophie Triquet. Il faut avoir une posture humaniste au sens propre du terme, c’est-à-dire croire en la capacité de l’Autre à évoluer. »
Aujourd’hui, l’association des Astelles qui a été créée en 1997, semble sortir son épingle du jeu mais tout n’a pas toujours été rose. Peu de temps après son arrivée, Sophie Triquet découvre une situation économique éprouvée. Lorsque le confinement de mars 2020 lui tombe dessus comme sur le monde entier, elle craint pour la pérennité de la structure. Pourtant avec une équipe rapprochée solidaire et un conseil d’administration à l’écoute, elle se bat pour relancer la machine.
Cette machine est bicéphale. D’un côté, il y a l’entreprise d’insertion avec une offre de services tels que le nettoyage des locaux, des parties communes, le remplacement de gardien d’immeubles, les vitreries ou les bardages avec une nacelle, l’entretien des espaces verts pour les professionnels ou les particuliers, la remise en états des logements pour les bailleurs sociaux et les syndics de propriété, le tri des sacs jaunes pour Véolia.
En tout, ce sont 60 « équivalents temps plein » qui sont employés grâce à ce dispositif et cela, dans le respect des règles de la concurrence puisque les Astelles sont assujetties, comme toutes les entreprises d’insertion aux mêmes obligations légales et fiscales que les autres entreprises.
De l’autre, il y a un chantier d’insertion, la Recyclerie. Elle emploie des personnes en parcours d’insertion socioprofessionnelle sur des activités d’utilité sociale, c’est-à-dire qui répondent à des besoins collectifs non satisfaits par le secteur marchand. Aux Astelles, on travaille sur la réduction de l’enfouissement des déchets et la seconde vie des objets.
On collecte les déchets auprès des entreprises et des particuliers. Certains agents sont même placés directement à l’accueil dans les déchetteries d’Amiens Métropole et de la communauté de commune du Val de Somme par le biais d’une convention.
Magasin de la Recyclerie
03 22 69 26 26
Une fois revenus dans les locaux, ces déchets sont triés et revalorisés dans les filières spécifiques. Remis en état et vérifiés, certains (meubles, électro-ménager, vaisselle, vêtements, vélos…) sont revendus à des prix dérisoires dans les magasins solidaires à Amiens, à Montdidier ou sur la boutique en ligne, « La boutique des 3R ». Le bois des palettes est transformé en composteurs ou en mobilier pour les cafétérias des entreprises par exemple…
En 2021, 44 tonnes de déchets ont ainsi été triées et 65% (28 tonnes) ont pu être revalorisées.
Magasin de Montdidier
03 22 87 14 30
Il existe des projets encore plus humains que les projets humains. Des projets où la rentabilité n’est même pas envisagée, où le dispositif s’adapte à la personne dans toute sa singularité. Les Astelles en mènent un, en partenariat privilégié avec l’UDAUS 80, grâce à des financements du Département et de l’Etat. Il s’agit d’une expérimentation qui sera menée jusqu’en juin 2023, à minima.
David, Mikaël et Kevin, sans domicile fixe, sont partie prenante dans un programme de « remobilisation par le travail ». C’est William Dumont qui les accompagne. Moniteur éducateur, il a été recruté spécifiquement pour les « premières heures en chantier. Le but est que chaque personne suivie retrouve peu à peu le chemin du travail et l’autonomie. Quatre heures par semaine d’abord. Huit ensuite si tout va bien. La limite étant fixée à 20 heures. Car le chemin, s’il est beau, est long. Il faut reprendre de bonnes habitudes, réussir à se lever le matin, prendre les transports en commun, se présenter à l’heure, se resociabiliser, atténuer à terme les addictions potentielles. Les tâches effectuées sont essentiellement manuelles et le fait de retrouver une certaine utilité contribue à restaurer l’image de soi
« Il s’agit d’un public très fragile, au parcours de vie souvent chaotique. Les rechutes sont possibles, explique William Dumont. Elles sont même, dans certains cas, l’embuche qui permet la réussite. Réassurance, création de lien, recadrage et valorisation, relation de confiance, (re)motivation et partenariat solide font partie des ficelles à tirer pour accomplir le travail éducatif… Officiellement, je suis seul sur le projet mais toute l’équipe y prend part, que ce soit au niveau administratif, dans l’appui matériel ou en termes d’accueil dans les ateliers. Premières Heures en Chantier englobe donc tout le monde et d’ailleurs, le projet a été bien accueilli par tous.»
L’objectif est d’accompagner ainsi une vingtaine de personnes par an.
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