Delabie : un modèle rentable, des idées novatrices et des hommes

La robinetterie, dans le Vimeu, c’est de l’histoire ancienne. Chez Delabie, on est fondeur depuis 1864. Luc Delabie codirige ce patrimoine industriel avec ses frères Jean-Claude et Gérard et leur neveu Patrick, Directeur Technique du Groupe et quatrième génération à reprendre le flambeau qui les a rejoints en 1992. Il a sur le présent et l’avenir, une analyse fine et vision pointue.

Quelle est la chose la plus importante à vos yeux en ce qui concerne votre entreprise ?

Contrairement à ce qu’on entend souvent, la chose la plus importante pour une entreprise, c’est de gagner de l’argent pour investir. « Une entreprise, c’est comme un vélo. Si on arrête de pédaler, on se casse la gueule. »

La deuxième chose, ce sont les hommes. Sans eux et leur motivation, on ne fait rien. Et pour qu’ils soient motivés, il faut qu’ils soient fiers. Ça ne sert à rien de leur mettre la pression. La pression, ils se la mettent tout seuls. Au contraire, il faut tout faire pour que les gens se plaisent dans l’entreprise. Certains vont partir au bout de 6 mois, un an, deux ans parce qu’ils ne s’y retrouveront pas. Ils ne sont pas faits pour ça. Il faut leur expliquer pour ne pas que ce soit un échec et ils comprennent.

Les autres, la grande majorité, ils vont développer des compétences. Il suffit de leur donner les moyens de grandir. Quand les gens sont motivés et qu’ils restent, ils deviennent experts de leur domaine, ils deviennent les meilleurs dans leur secteur. Ils participent au développement de l’entreprise. Et à la fin, ils sont fiers et ils restent. Ils connaissent leur métier à la perfection. Il n’y a pas besoin de leur mettre la pression.

Luc Delabie
Delabie
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Vous avez donc peu de turn over ?

Chez Delabie, nos salariés sont très attachés à leur région et ne bougent pas. Les cadres, c’est autre chose mais chez nous, les cadres restent aussi. Chez les cadres, par exemple, notre directeur commercial est là depuis 27 ans, le directeur d’export depuis 29 ans et le directeur marketing est là depuis 18 ans. Il était le propriétaire d’une entreprise qu’on a rachetée et il est resté. C’est la communication qui l’intéressait. Il s’est intégré à l’entreprise. Il est devenu salarié. Les gens restent parce qu’ils savent exactement ce qu’ils doivent faire. Il n’y a personne pour les « emmerder ». Ça fait tellement longtemps que nous bossons ensemble que quand ils ouvrent la bouche, je sais ce qu’ils vont dire et quand j’ouvre la bouche, ils savent ce que je vais dire. Nous avons des liens beaucoup plus forts que des liens professionnels. Nous avons une confiance totale basée sur l’expertise. Il y a juste à se poser des questions sur de la stratégie et encore là, on arrive à se mettre d’accord très vite.

Ça fait 25 ans qu’on analyse les choses de la même façon. Du coup, on ne fait pas d’erreur. Quand on décide de sortir de nouveaux produits, ça marche. C’est comme les grands couturiers. Quand ils sortent quelque chose, c’est complètement en rupture avec avant mais ça marche parce qu’ils ont la vision. Ils savent ce qui va se passer. Ils le sentent.

Et comment est-ce qu’on a la vision ?

C’est exactement pareil que dans l’art. Picasso disait : « Pour devenir un artiste, il faut d’abord apprendre et copier. Quand on sait parfaitement copier, on peut devenir peintre. » Et alors, pour devenir un génie ? « Alors là, copier, ça ne suffit plus. Il faut voler. Moi, je me balade dans tous les pays du monde. Je vois des choses qu’on ne voit nulle part et que je trouve extraordinaires. Je pompe. Je « vole » des idées. Je les ramène chez moi. Evidemment, je les traite avec ma personnalité et ma sensibilité. L’inspiration doit venir de partout ». Chez Delabie, parfois, on sort des trucs… Les gens disent « oh la la ! comment vous avez pensé à ça ? » C’est simple. On est allé piquer des idées en Chine, en Inde… C’est beaucoup de présence partout dans le monde. Beaucoup d’observation. L’analyse de la concurrence est très importante et puis il faut sentir le vent.

Mais comment on sait que c’est une bonne idée ?

Il ne faut jamais se limiter. Par exemple, on fabrique des robinets électroniques. Pendant 25 ans, l’électronique, on a sous-traité. Et puis, on en a eu marre parce qu’on maitrise moins bien. On s’est dit, il faut absolument qu’on maitrise ça. Et puis, l’électrovanne qui va avec l’électronique, on l’achetait à la rolls des fabricants en Allemagne. Ça coûtait une fortune. On a mis un jeune ingénieur sur le projet de l’électrovanne. Il a mis 14 ans à la sortir. Il n’a pas fait que ça. Mais aujourd’hui, l’électrovanne, elle marche et elle coûte 5 fois moins cher que lorsqu’on l’achetait. C’est un truc pointu. On a misé sur un jeune. Pour l’électronique, on a recruté des électromécaniciens. On a eu un mal de chien pour trouver mais là, on en a trois. Désormais, on écrit le soft de nos cartes électroniques. On la sous-traite mais on a exactement ce qu’on veut. Ça coute 4 à 5 fois moins cher et on maitrise. On peut la faire évoluer nous-mêmes.

Après, quand on a une entreprise rentable, qu’on a les bonnes idées et les bonnes personnes… ça fonctionne.